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Julie Nguyo
@jnguyo
Fri, 25 Oct 2024

ADFF - Africa Documentary Film Fund

CONTEXTE

Reports
Géographique

Le Cap-Vert est un archipel composé de deux séri- es d’îles: les îles de Sotavento au Sud (Brava, Fogo, Santiago, Maio) incluant la capitale du pays, Praia, sur l’île de Santiago, et les îles de Barlavento au Nord (Boa Vista, Sal, São Nicolau, Santa Luzia, São Vicente et São Antão) incluant Mindelo, la deuxième plus grande ville du pays, sur l’île de São Vicente.

Cette situation géographique isolée – le pays se trouve à 500 km du continent – et fragmentée représente un premier handicap : les liaisons aériennes, malgré quatre aéroports internationaux récemment rénovés, ne sont que de médiocre qualité, avec seulement un ou deux vols desservant la capitale Praia de Mindelo, aux horai- res peu respectés et parfois annulés, et aux coûts assez élevés (de 40 à 130 par trajet) par rapport au salaire moyen des Capverdiens (175 environ). Les transports maritimes sont, quant à eux, plus longs et plus chao- tiques encore.

Démographique

Le Cap-Vert est par ailleurs faiblement peuplé ; 500 000 habitants se répartissent sur neuf de ses îles, dont 60% représentent une population rurale. La grande majorité des résidents urbains sont établis à Praia ou à Mindelo. En outre, on compte beaucoup plus de Capverdiens dans la diaspora que dans leur propre pays.

Economique

Bien que l’IDH ( Indice de développement humain) du Cap-Vert (0,568) soit le plus élevé des PALOP et qualifié de moyen par le PNUD, le Cap-Vert est encore considéré comme un pays en voie de développement. Cependant, la croissance économique du pays est en progrès depuis la fin des années 2000 et le Cap-Vert a quitté en 2007 le groupe des PMA (Pays les Moins Avancés).

L’économie capverdienne est majoritairement tournée vers les services de commerce, de transports, tourisme et services publics qui représentent 80% du PIB. Au

cours des cinq dernières années ont été mises en place des réformes économiques destinées à stimuler le secteur privé et attirer des capitaux étrangers.

Le gouvernement, pour soutenir cet essor, a mis en place un vaste programme d’infrastructures dans les domaines de premières nécessités (santé, transports, communications). Cependant, cette croissance est principalement le résultat de l’aide internationale qui comble en grande partie le grand déficit commercial annuel. L’avenir économique du pays dépendra beau- coup du maintien des flux de l’aide.

Culturel et cinématographique

Le contexte général du pays, même s’il présente une certaine avancée, n’est pas encore propice au développe- ment immédiat de la production cinématographique. Les priorités du gouvernement ne semblent pas se concentrer sur la culture.

Au moment de l’indépendance, comme dans le reste des PALOP, le cinéma a été soutenu par les thèses des leaders de mouvements de libération, principalement par celles d’Amilcar Cabral dans le cas du Cap-Vert. Le cinéma était perçu comme un support médiatique fondamental de la lutte et de l’indépendance.

En 1960, un premier ciné-club capverdien a vu le jour à Praia, presque aussitôt interdit par la PIDE (police politique portugaise). Il est de nouveau actif en 1975, soutenu par le PAIGC. Le ciné-club programme des films des cinés-clubs de Lisbonne et prend en charge le tournage des premières élections et autres activités liées à l’avènement de la nouvelle république du pays. L’Institut Capverdien du Cinéma est aussi créé pour encourager la production documentaire.

Cependant après la première décennie de l’indépendance, la responsabilité étatique envers le secteur cinématographique s’affaiblit largement. La partition du PAIGC qui donne naissance au PAICV au Cap-Vert et l’avènement d’un gouvernement conserva- teur en 1990 motivent la privatisation du secteur et la primauté de la géographie sur la lusophonie. Les liens s’étant distendus avec le reste des PALOP, le secteur cinématographique considéré jusque-là dans l’ensemble de l’espace lusophone, est désormais conçu dans une perspective nationale.

Julie Nguyo
@jnguyo
Fri, 25 Oct 2024

ADFF - Africa Documentary Film Fund

POLITIQUE NATIONALE DE SOUTIEN AU CINEMA

Reports

L’absence de mesures publiques concrètes est probable- ment le principal obstacle au développement du secteur.

Les gouvernements successifs des dernières décennies ont promis certaines réformes qui semblent ne pas avoir été tenues. Le Gouvernement de la VII législature (2001-2005) a par exemple proposé un plan stratégique de développement du secteur rappelant et annonçant :

  • la création d’un organisme lié au Ministère de la Culture pour la promotion de la création audiovisuelle et multimédia
  • la nécessité des investissements
  • l’adoption d’un modèle organisationnel mieux adapté aux nécessités du pays
  • l’optimisation de nouveaux marchés
  • la contribution du gouvernement pour la formation de producteurs, de réalisateurs et pour la création d’espaces de production et de diffusion, pour la stimulation d’initiatives
  • la mise en place d’une nouvelle législation
  • la protection de la propriété intellectuelle
  • Selon la majorité des professionnels du secteur, ce plan n’a pas été appliqué.

En 2011, le nouveau Ministre de la Culture Mário Lúcio Sousa a annoncé un certain nombre de mesures qui suscitent l’espoir chez certains professionnels et le scepticisme chez d’autres.

Un nouveau « Núcleo Cinemedia da Direcção Nacional das Artes », pôle audiovisuel rattaché au ministère de la Culture a été créé au début de l’année 2012. Bien qu’il soit encore tôt pour en juger l’efficacité, on lui reproche déjà un manque de dialogue avec les professionnels. Sa présence a été nulle dans le processus de création récent d’une associa- tion du cinéma et de l’audiovisuel inaugurée en mars 2012 – et sur laquelle nous reviendrons ultérieurement – aussi bien sur le plan opérationnel que professionnel.

Le Plan Stratégique Intersectoriel de la Culture (PLEI) du nouveau gouvernement ne mentionne que briève- ment le secteur cinématographique et audiovisuel, et sous les termes suivants : « promouvoir la production nationale et principalement de documentaires et de fictions en partenariat avec les compagnies de théâtre », témoignant ainsi un manque de compréhension ou d’intérêt réel envers le milieu.

Enfin a été récemment créée une Banque Culturelle qui semble cependant encore peu efficace et peu adaptée à la réalité du secteur cinématographique. capverdien dans son état actuel, de par la faiblesse de sa production et de sa distribution, et de par l’absence d’un marché réel, peut difficilement être rentable. Le développement du cinéma – documentaire inclus – doit passer par une phase encore subsidiaire.

Les dernières mesures annoncées par le gouvernement concernent la création ou la réhabilitation de salles, disparues au fil du temps comme dans le reste du conti- nent. Deux projets de salles multifonctionnelles (cinéma et autres activités culturelles) ont été annoncés, l’une d’une capacité de 3000 spectateurs à Praia et l’autre de 1500 spectateurs à Mindelo. Le gouvernement a d’ores et déjà signé des accords avec des partenaires privés pour la construction de la première mais cherchent encore des bailleurs de fonds privés pour la seconde.

Julie Nguyo
@jnguyo
Fri, 25 Oct 2024

ADFF - Africa Documentary Film Fund

ETAT DU DOCUMENTAIRE CAPVERDIEN

Reports
Production quasiment inexistante

La production/réalisation de films documentaires au Cap-Vert est encore très limitée et concentrée entre les mains de quelques réalisateurs résidant au Cap-Vert, principalement Leão Lopes et Júlio Silvão Tavares.

Lors des dix dernières années ont été réalisés quatre longs métrages documentaires :

  • BITÚ de Leão Lopes, 2005, 50’
  • BATUQUE A ALMA DE UM POVO, Júlio Silvão Tavares, 2006, 52’
  • EUGÉNIO TAVARES, CORAÇÃO  CRIOULO, Júlio Silvão Tavares, 2009, 52’
  • SÃO TOMÉ E PRINCIPE, MINHA MAE, MINHA TERRA, MINHA MADRASTA, Júlio Silvão Tavares, 2012, 52’

Seul le dernier film est une production capverdienne assumée par le propre réalisateur. Le premier est une production portugaise, le second une coproduction franco-portugaise et le troisième produit dans le cadre du programme Doc TV CPLP sur lequel nous reviendrons dans un autre chapitre. Le dernier, en revanche, a été produit par la société de production du réalisateur.

Il existe certes un certain nombre de films produits par des Capverdiens de la diaspora. On peut citer les longs métrages tournés au Cap-Vert des Américains- Capverdiens Guenny Pires (THE JOURNEY OF CAPE VERDE, 2005 et CONTRACT, 2010) ou Claire Andrade Watkins (OLÀ VIZINHO, 2010) ou encore les long et court métrage de Ana Fernandes, cap- verdienne résidant en Allemagne (REBELADOS, 2010 et GOLFO POPULAR, 2011) et quelques autres encore. Mais tous ces films sont produits par les pays de résidence des réalisateurs sans apport capverdien.

 

Il est donc difficile devant la rareté des films réalisés et produits au Cap-Vert de parler d’un « cinéma docu- mentaire capverdien ». Selon les propres termes de Júlio Silvão Tavares 6, les obstacles résident principale- ment dans le manque d’engagement de l’Etat quant au soutien du secteur et dans le manque de techniciens, scénaristes et autres professionnels capables d’assumer les phases préparatoires à la production d’un film.

L’accès aux coproductions est par ailleurs rendu diffi- cile par le manque de structures. Les aides à la co- production internationale sont généralement remises à un organisme spécialisé chargé de les redistribuer, or l’Institut Capverdien du Cinéma n’est plus qu’une institution fantôme obsolète.

Selon le réalisateur César Schofield7, l’essor de la production ne peut passer que par un modèle similaire à celui des industries créatives. D’un côté, le Cap-Vert bénéficie d’une population jeune, et un certain dyna- misme et intérêt envers le documentaire, l’audiovisuel, l’art vidéo et le multimédia est notoire à l’heure ac- tuelle. De l’autre, une grande quantité de matériel – caméras légères et ordinateurs – est disponible dans le pays. L’essor du secteur ne peut passer selon Schofield que par une phase d’expérimentation à partir de ce matériel disponible et aux faibles coûts de production, adaptés à la réalisation documentaire.

Diffusion Limitée

Le Cap-Vert comme la majorité des pays d’Afrique a souffert très largement de la fermeture progressive des salles de cinéma, généralement rachetées par des inves- tisseurs du tourisme étrangers ou converties en église. En 2007 le Cap-Vert ne comptait plus une seule salle de cinéma. Aujourd’hui, deux seulement sont en activité.

Le ciné club de Assomada sur l’île de Santiago a été à nouveau inauguré en octobre 2010 sur une initiative privée et avec le soutien de la municipalité. Equipée de ses anciens projecteurs et d’un appareillage numérique basique, la salle est en activité quatre jours sur sept. La programmation est conçue selon des critères de qualité et de diversité, une faible place étant cependant réservée au documentaire. Le prix des billets symbolique et une population apparemment cinéphile permettent une affluence assez importante. Par ailleurs, la salle fait partie depuis avril 2012 du Réseau National de Salles, projet mis en place par le Ministère de la Culture en vue d’établir en partenariat avec les autorités locales un circuit pour la divulgation de la culture capverdienne (musique, danse, théâtre, artisanat, arts plastiques, lit- térature). La multifonctionnalité des salles semble être une condition sine qua non pour leur viabilité.

L’autre salle encore en fonctionnement actuellement au Cap-Vert se situe à Mindelo. Elle propose deux titres par mois et consacre une importante partie de sa programmation aux productions des PALOP.

Néanmoins, la réalité du réseau de salles n’est vraisem- blablement pas une issue pour la diffusion du docu- mentaire. Les solutions à court terme sont à chercher du côté de la télévision. La Radio Télévision Capverdi- enne qui jusque là ne s’est consacrée qu’à la diffusion de documentaires d’origine étrangère, semble déterminée à faire de nouveaux efforts pour la diffusion du docu- mentaire capverdien et de pays africains lusophones.

Les festivals semblent aussi s’attacher à la diffusion d’une production plus locale. Depuis 2008, le Centre Culturel Portugais organise à Praia le festival Maio. Doc, réalisé à partir d’un programme d’extensions et itinérant du festival DocLisboa, en partenariat avec l’association portugaise Apordoc. Le festival ressemble cependant davantage à un cycle de cinéma limité à huit séances, et neuf des dix films présentés lors de l’édition 2012 étaient portugais, le dernier étant le documen- taire de Júlio Sivão Tavares. L’événement organisé par l’Institut Camões est davantage destiné à la promotion du documentaire portugais qu’à celui des PALOP.

Un autre festival qui a vu le jour en 2010 centre en revanche sa programmation sur le cinéma luso-phone. Même s’il n’est pas spécifiquement axé sur le documentaire, le Festival International de Films du Cap-Vert « Viva Imagens », célébré sur l’île de Sal, proposait dans sa dernière édition des documentaires capverdiens, de la diaspora capverdienne et d’Angola. Il proposait également un atelier documentaire animé par la réalisatrice Claire Andrade Watkins. La prochaine édition est prévue pour octobre 2012 et l’événement semble se consolider.

Enfin, le dernier festival actif aujourd’hui est le festival du court métrage « Culturamóvel » à Praia. Il s’inscrit dans un projet plus ample de coopération internationale sur lequel nous reviendrons ultérieurement, destiné à la formation en audiovisuel et à la stimulation du dialogue culturel par le biais des TIC. Les films projetés sont les fruits des ateliers organisés dans le cadre du projet.

Le principal obstacle à la diffusion du documentaire au Cap-Vert reste le même : le manque de soutien insti- tutionnel. Il existe de toute évidence un dynamisme de la part des activistes culturels locaux dont les initia- tives sont caduques par le manque de relais de la part des autorités publiques, mais aussi par le manque de disponibilité de professionnels du secteur et de travail en réseau.

La formation : une série d’initiatives récentes qui nécessitent une continuité

Le même phénomène se reproduit quant à la forma-tion. Une série d’initiatives récentes montrent une rée- lle volonté de dynamiser le secteur cinématographique et audiovisuel dans le pays. Mais ces initiatives restent ponctuelles et inscrites dans un cadre de coopération internationale à durée limitée.

En janvier 2011, sur l’initiative du réalisateur brésilien Joel Zito Araujo et sous la direction pédagogique du même réalisateur et du réalisateur capverdien Leão Lopes, un cours de spécialisation « Lato Sensu » en cinéma et audiovisuel de dix semaines a été organisé au M_EIA (Institut Universitaire d’Art, Technologie et Culture) de Mindelo, dans le cadre d’une collabo- ration entre le Ministère capverdien et la fondation culturelle brésilienne Palmares. Le projet destiné à stimuler l’échange interculturel et économique entre le Brésil et le Cap-Vert et à combler en partie les carences dans le secteur de la formation de professionnels du cinéma et télévision au Cap-Vert, a accueilli un ving- taine d’étudiants en grande majorité du Cap-Vert, mais aussi du Mozambique, du Portugal, du Brésil et du Sénégal, âgés de 26 à 58 ans et majoritairement profes- sionnels de la télévision ou de sociétés de production de vidéo locales. Des intervenants du Brésil, de Cuba et du Cap-Vert ont concentré leurs enseignements sur l’esthétique et l’histoire du cinéma, sur l’écriture de scé- nario, le regard critique, les techniques de production, de réalisation, de montage, son et caméra. L’expérience extrêmement positive selon Joel ZitoAraujo8, a débou- ché sur la production d’un long métrage documentaire, FRAGMENTOS DE MINDELO, qui a participé à divers festivals internationaux et de deux courts mé- trages de fiction. Le projet a été soumis de nouveau à la Fondation Culturelle Palmares en collaboration avec l’Agence Brésilienne de Coopération et du Ministère des Affaires Etrangères dans la perspective de le recon- duire lors du second semestre 2013. Cette seconde édi-tion prévoit une participation de membres d’autres pays PALOP et sera organisée de nouveau en partenariat avec le M_EIA.

« CulturaMóvel » est un projet d’un an destiné à « augmenter la croissance de l’industrie audiovisuelle du Cap-Vert par l’optimisation des nouvelles technolo- gies ». Organisé par les entités capverdiennes « O’Dam ONGD » et « Associaçao Assimboa », co-financé par l’Agence Espagnole de Coopération et de Développe- ment en partenariat avec le Ministère de la Culture capverdien, CulturaMóvel se développe en milieu sco- laire et vise à former les professeurs et les élèves dans la création audiovisuelle. Des ateliers de réalisation à partir de caméras légères, appareils photographiques, téléphones portables ou web cams, ont été organisés avec 990 élèves de 12 à 16 ans. Les courts métrages ré- alisés – pour certains documentaires – ont été présentés au Festival de Courts métrages à Praia. Le projet Cul- tura Móvel est de toute évidence une initiative positive pour la stimulation de l’intérêt porté à l’audiovisuel. Il est nécessaire d’impliquer le milieu scolaire dans la sensibilisation au cinéma. Cependant on ne peut parler ici que d’un projet de sensibilisation et non pas d’un projet de formation. On peut relever quelques autres projets ponctuels de formation comme le cours de trois semaines en produc- tion audiovisuelle organisé à Mindelo par ADECO, l’Association de Défense du Consommateur en 2010. Animée par le journaliste capverdien résidant aux Pays Bas Gui Ramos et ouverte à tous les publics, la forma- tion était centrée sur l’apprentissage du maniement de matériel audiovisuel moderne et de la production d’émissions et de reportages. De nature journalistique plutôt que cinématographique, la formation a cepen- dant été perçue comme positive par son animateur qui souligne un évident potentiel chez les jeunes partici- pants mais déplore un manque de prise en charge sous forme de stages dans des entreprises de communication après la formation.

Ces nouvelles initiatives montrent évidemment une réelle volonté de la part des professionnels. Ce que confirme la création en mars 2012 de l’ACACV, as- sociation du cinéma et de l’audiovisuel au Cap-Vert qui souhaite centrer ses activités en priorité sur la formation. Cependant, pour être réellement efficaces, ces initiatives doivent s’inscrire dans la continuité et la décentralisation. Aucune université capverdienne ne propose un cursus exclusivement consacré à la réali- sation et production de cinéma ou documentaire, la formation universitaire dans ce domaine étant reléguée à de brefs ateliers inclus dans les cursus de journalisme, communication et publicité.